Journée technique AFBE 2024 : une édition riche en enseignements

Le 26 novembre dernier, l’Association Française pour le Bateau Électrique (AFBE) organisait sa traditionnelle journée technique au Paris-Yacht Marina, au cœur de Paris. Ce rendez-vous annuel, qui fédère experts et industriels, a mis cette année l’accent sur l’avitaillement des navires, mais aussi sur la percée du bateau électrique lors des JO de Paris 2024. Retour sur les principaux temps forts de l'événement.

L’avitaillement des navires électriques

Entre normes et innovations technologiques

Représentant la société Wabtec, Christophe Gaigneux a ouvert la journée en présentant les innovations en matière de connecteurs pour le transfert d’énergie vers les navires. Il a notamment évoqué l’évolution de la norme IEC 80005, essentielle pour l’alimentation électrique des bateaux à quai. La section 80005-4, en cours de développement, prévoit d’intégrer les standards de recharge en courant alternatif (AC) et continu (DC), inspirés de l’industrie automobile et routière.

Autre sujet phare : les systèmes de connexion automatique, comme les pantographes inversés. Déjà utilisées pour les bus urbains, ces technologies permettent de réduire les interventions humaines, optimisant ainsi temps et ressources.
 

Des standards inspirés de l’industrie automobile

Tanguy Leiglon a poursuivi avec une présentation des chargeurs de la marque AUTEL. Couvrant des puissances de recharge allant de 7 kW à plus d’1 MW, ces solutions sont compatibles avec différents standards de connecteurs (Type 2, CCS, MCS), permettant de répondre à divers besoins, de la recharge lente à la recharge rapide. Le protocole de communication ISO15118, garant de la sécurité et de la gestion optimisée de la charge, a également été mis en avant.

Mais d’autres innovations déjà présentes dans la mobilité terrestre sont appelées à s’étendre au fluvial et au maritime. Parmi elles, l’équilibrage dynamique de la charge, le standard de supervision OCPP ou encore le dispositif Plug&Charge d’assurer le paiement automatique via une communication directe entre le véhicule et la borne, sans intervention humaine.

Hydrogène : une filière aux nombreux défis

Représentant de la société EODEV, Frédéric Ferrero a fait état des avancées et des contraintes liées à l’avitaillement en hydrogène. Cette technologie, bien qu’elle suscite un grand intérêt pour sa capacité à réduire les émissions, se heurte encore à des obstacles techniques et économiques.

Le choix du mode de stockage, qu’il soit gazeux ou liquide, dépend étroitement des usages envisagés et des infrastructures disponibles. La faible densité énergétique volumétrique de l’hydrogène oblige par ailleurs à recourir à des compressions élevées, ce qui complique la logistique et augmente les contraintes opérationnelles.

Sur le plan réglementaire, les infrastructures doivent respecter des cadres stricts, comme ceux définis par la norme ISO 19880, ainsi que les exigences françaises ICPE et ATEX, imposant notamment des périmètres de sécurité adaptés. Enfin, l’aspect économique constitue un frein majeur : avec un coût actuel oscillant entre 18 et 30 euros par kilogramme, l’hydrogène demeure une solution onéreuse. Cependant, une réduction significative des coûts, jusqu’à 12 euros par kilogramme, pourrait être atteinte grâce à une massification de la production et des usages dans les années à venir.

Biogaz : une autre alternative prometteuse

Matthieu Chaniolleau et Charles Labrouve (GRDF), ainsi que Matthias Follot (ENGIE), ont présenté les solutions d’avitaillement gaz pour les navigations fluviales, 100% biogaz ou hybrides biogaz/électrique. Le bioGNC (Gaz Naturel Comprimé) est constitué à 100% de biogaz issu de la méthanisation (-85% par rapport au diesel). Il est comprimé à 200 bars.
Six solutions d’avitaillement fixe (rapide ou lent) ou mobile ont été présentées par GRDF. Les solutions mobiles comprennent notamment les solutions de « swap » qui consiste à échanger le container de gaz vide par un container de gaz plein.

Un accent particulier a été donné aux solutions de ravitaillement multimodales, permettant à la station fixe d’alimenter à la fois les navires à quai et les camions fonctionnant au GNC.

L’enjeu de la certification

Bruno Delannoy, représentant de Bureau Veritas, a présenté les champs d’application statutaires liés à la classification maritime. Ces exigences, principalement dictées par les réglementations internationales (SOLAS et MARPOL) et les pavillons nationaux, peuvent être déléguées à des sociétés de classification. Cette délégation garantit une conformité technique et réglementaire rigoureuse, essentielle pour la sécurité des navires. Le processus de certification commence dès la réception des spécifications par le chantier naval et se poursuit jusqu’à la livraison du navire, avec des renouvellements réguliers durant son exploitation.

Il a également détaillé la distinction entre les services essentiels primaires et secondaires définis par l'IACS (International Association of Classification Societies). Les services primaires assurent la propulsion et la manœuvrabilité du navire, tandis que les services secondaires, bien que moins utilisés, jouent un rôle clé pour maintenir la sécurité globale. Cette classification met en lumière la nécessité d’une gestion stricte des systèmes critiques à bord.

Pour clôturer la session, Antoine Bouchez (Weenav) a partagé un retour d’expérience sur l’intégration du standard de communication ISO15118, utilisé pour la recharge des navires compatibles Combo CCS. Ce standard repose sur un chargeur embarqué (OBC) qui convertit le courant alternatif (AC) en courant continu (DC), tout en optimisant la charge, en garantissant la sécurité et en communiquant avec la borne. L’EVCC (Electric Vehicle Charge Controller), intégré ou externe, assure la gestion et la coordination des échanges entre la borne, la batterie et le véhicule.

Cette configuration, conforme aux normes en vigueur, offre une sécurité accrue grâce au verrouillage physique des connecteurs et à la gestion des contacteurs haute tension. Elle est également adaptable aux différentes topologies de réseaux électriques mondiaux, renforçant son utilité dans divers contextes maritimes.

La percée du bateau électrique aux Jeux Olympiques de Paris

Cette journée technique 2024 était aussi l’occasion de revenir sur les initiatives autour du bateau électrique lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Vita : fournisseur exclusif des bateaux électriques à Marseille

Représentant de Vita Power, fournisseur exclusif des bateaux électriques à Marseille, Filippo Brignone a partagé son retour d’expérience sur l’utilisation des bateaux électriques lors des épreuves de voile organisées dans la rade de Marseille. Ces navires se sont révélés particulièrement adaptés à différentes missions spécifiques.

Pour les interventions de départ et d’arrivée, six bateaux de type « Pin Start & End » ont démontré leur efficacité grâce à leur capacité à rejoindre rapidement les zones de mouillage et à offrir une excellente stabilité sur site. Huit bateaux « Mark Layer » ont été utilisés pour le transport des équipements de balisage, bénéficiant d’une configuration avec une large plage arrière, idéale pour ce type de tâche logistique. Enfin, cinq bateaux destinés aux médias ont permis de faciliter les prises de vue grâce à leur moteur in-bord, qui libérait totalement l’espace à l’arrière, offrant ainsi des conditions optimales aux photographes.

FinX : porteur de la flamme durant la cérémonie d’ouverture

Jacques Budin a présenté pour FinX le retour d’expérience de l’utilisation du bateau réalisé pour la cérémonie d’ouverture, présentant un moteur électrique de bateau bio-inspiré (membrane ondulante). Permettant le transport de 12 passagers, le bateau a permis à l’équipe du Vanuatu de parader sur la Seine. Mais la surprise a été de taille quand l’équipe FinX a appris qu’ils avaient été sélectionnés pour être porteur de flamme avec quatre athlètes de renom !

Le retour d’expérience de Vedettes de Paris

Vincent Détail a présenté le retour d’expérience sur l’électrification de la flotte des bateaux-mouches Vedettes de Paris, un projet ambitieux initié grâce à une préétude réalisée par Naviwatt et financée par l’ADEME en 2019. Le bureau d’études Ship-ST a ensuite accompagné l’armateur dans cette transition, visant l’électrification de quatre navires avec un calendrier de mise en service échelonné de 2023 à 2025.

Le premier navire converti, le « Paris Trocadéro », a vu ses études démarrer fin 2020, suivies d’un appel d’offres et d’une commande en 2021. Le chantier, mené entre fin 2022 et fin 2023, a permis non seulement de remplacer la motorisation, mais également d’optimiser l’hydrodynamisme du bateau, générant une économie de 20 % sur la consommation énergétique.

L’un des défis majeurs de cette conversion a résidé dans l’installation des infrastructures de recharge, notamment les chargeurs Combo CCS. Ces équipements permettent aux bateaux, opérant des excursions touristiques d’une heure, de profiter de chaque retour à la base pour effectuer une recharge partielle. Ce système, en réduisant le besoin en capacité batterie, contribue à diminuer les coûts, le poids et l’encombrement à bord des navires.



Pour terminer, Hugo Lauras (Naviwatt) a présenté le projet d’électrification de la barge de nettoyage de la Seine de l’armateur OCELIAN (groupe Vinci). Propulsé par 2 moteurs Torqeedo de 100 kW chacun, le bateau est équipé de nombreux équipements électriques (tapis central de récupération, grue hydraulique, jet d’eau haute pression de lavage). Les 800 kWh de batterie sont rechargés chaque soir pendant 7 à 8 heures.

La feuille de route décarbonation expliquée par la DGAMPA

Enfin, Anne Coroller, représentante de la DGAMPA, a dévoilé la mise à jour de la Feuille de Route Décarbonation 2024. Ce document stratégique, élaboré en collaboration avec le Cluster Maritime Français, fixe des objectifs ambitieux pour réduire les émissions des flottes commerciales, de pêche et de transport, conformément aux standards européens (Fit for 55).

Fruit d’une collaboration entre les secteurs public et privé, ce document stratégique tient compte des arbitrages nécessaires en matière de ressources financières et d’énergies décarbonées, comme la biomasse ou l’électricité verte. Ces choix sont d’autant plus complexes qu’ils s’inscrivent dans un contexte de compétition avec d’autres secteurs énergivores, notamment l’aérien. Deux ans après sa première version, la Feuille de Route a affiné ses scénarios de décarbonation, en ciblant trois segments prioritaires : les porte-conteneurs, les transporteurs de gaz et les grands ferries.

Une occasion pour l'AFBE de rappeler son engagement en faveur de la motorisation électrique, une voie cruciale pour décarboner le secteur maritime.

Focus sur les financements

PAMI : point d’étape avec VNF

Augustin Hénon, représentant de Voies Navigables de France (VNF), a présenté les avancées en matière de verdissement de la flotte fluviale, notamment grâce au Plan d’aide à la modernisation et à l’innovation (PAMI). Ce programme, qui soutient financièrement les projets de transition énergétique, a joué un rôle clé lors des Jeux Olympiques de Paris 2024, où 32 bateaux sur 45 référencés ont bénéficié de financements, pour un total de 8,3 millions d’euros engagés, dont 5,7 millions par VNF. Ces efforts ont permis de catalyser la dynamique de verdissement, bien que la flotte complète, composée de 467 bateaux à passagers et 1 042 automoteurs, reste un défi de taille à transformer.

En parallèle, VNF concentre désormais ses priorités sur le verdissement des transports de marchandises, un axe clé du volet D du PAMI. L’opération Borne&Eau, qui vise à développer les infrastructures de recharge électrique et d’avitaillement, se poursuit avec l’installation de 132 bornes sur la Seine, 95 sur les Voies du Nord, et 17 sur l’axe Rhône-Saône. Un appel à projets est également en cours dans la région Grand Est pour soutenir la plaisance verte.

Les aides spécifiques de la Communauté Portuaire de Paris

La Communauté Portuaire de Paris contribue également à cette transition via plusieurs initiatives. Le programme CEE REMOVE encourage le report modal vers des solutions fluviales, tandis que le dispositif GATE finance jusqu’à 90 % des études de remotorisation. Par ailleurs, le nouveau label « Engagement volontaire » vise à reconnaître les flottes engagées dans la décarbonation, renforçant ainsi la dynamique collective.

Malgré ces avancées, Augustin Hénon souligne que le verdissement global de la flotte fluviale nécessite un effort soutenu et une mobilisation accrue des acteurs publics et privés. VNF reste à l’écoute des parties prenantes pour identifier les besoins en infrastructures et accompagner les projets de transition énergétique.

Parole aux adhérents

Les pitchs de fin de journée ont permis de découvrir des innovations prometteuses, comme le bateau autonome TONY, les batteries à refroidissement liquide de WattAlps, ou encore les catamarans à foils de Whisper EF.

L'intégralité des présentations réalisées lors de l'événement sont à retrouver sur l'espace membres de l'association


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